Un titre à double entrée
qui renvoie inévitablement à Miles Davis. "Kind"
comme le "Kind of blue" de 1959, album après lequel
plus rien ne sera comme avant dans le jazz, et puis "Porgy
& Bess" pour la version mythique que Miles Davis enregistra
avec l'arrangeur Gil Evans.
Paolo Fresu s'attaque là à un monument de la culture
américaine, c'est d'autant plus courageux que les deux
versions indispensables de l'opéra de Gershwin furent le
fait de duo, Davis et Evans, pour la vision instrumentale et Ella
Fitzgerald et Louis Armstrong pour une interprétation chantée.
C'est sous son seul nom que le trompettiste sarde nous offre sa
vision des choses, autant singulière qu'inattendue.
Son groupe est formé de musiciens qui l'accompagnent dans
d'autres projets, le guitariste Nguyên Lê s'impose
comme un habile empêcheur de tourner en rond, Antonello
Salis traverse le disque au piano, au fender ou au fisarmonica
sans se laisser happer par les références. Furio
di Castri à la contrebasse et Roberto Gatto à la
batterie offre une assise solide et plus classique à l'ensemble.
La trompette de Paolo Fresu y est, comme à son habitude,
sensuelle, feutrée et mélodique. Et que dire de
la présence de Dhafer Youssef, musicien tunisien, qui vient
jouer du oud et poser sa voix sur quelques titres, si ce n'est
que Paolo Fresu joue la carte de l'ouverture et emmène
la musique de Gershwin loin de ses contrées originelles.
La version de Summertime y est quasiment méconnaissable,
comme pour nous obliger à chercher plus loin, des morceaux
nouveaux qui n'avaient jamais été enregistrés
par des jazzmen sont aussi de l'aventure. Certains diront qu'il
s'agit là d'une version gadget et que l'essentiel est ailleurs,
mais on peut aussi se faire un réel plaisir avec une oreille
neuve et découvrir une uvre mythique à partir
de cette dernière interprétation.
Alors laissez-vous tenter et offrez-vous une somptueuse traversée
entre le Mississippi et la Méditerranée.
L'interview
de Paolo Fresu.
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