Zicline

Sommaire


Sommaire des Semaines
Concerts

Jeux

 

David Bowie - Reality.

Columbia / Sony - Pop Rock.

David Bowie

  1. New killer star
  2. Pablo Picasso
  3. Never get old
  4. The loneliest guy
  5. Looking for water
  6. She'll drive the big car
  7. Days
  8. Fall dog bombs the moon
  9. Try some, buy some
  10. Reality
  11. Bring me the disco king

Le Bowie nouveau est arrivé. Les spécialistes vous le diront : en bouche, attaque opulente, notes viandées. Du volume avant tout, corsé, généreux plein et mûr. Bref un grand cru.

Petit frère d’ Heathen, il se démarque toutefois par son aspect radicalement plus citadin. "Heathen avait été écrit sur une montagne, en pleine nature, ma démarche était plus introspective, spirituelle" explique Bowie. Ce n’est pas le cas de Reality qui est totalement imprégné de New York et de ses humeurs. De plus cet album a été conçu pour la scène. Chaque chanson possède son propre canevas narratif. À l’arrivée, c’est une collection de titres totalement autonomes. Il n’y a pas de concept, pas de ligne directrice. "Mon véritable désir était d’aligner des morceaux avec un potentiel d’énergie reconductible immédiatement sur scène. Chaque fois, ma seule préoccupation était : Est-ce que cela ferait un bon titre de scène ?" nous explique-t-il.

Dans l’attente de juger sur pied, nous vous proposons d’ores et déjà une dégustation expresse du Bowie 2003. Le Maître de chai en personne vous servira de guide. L'arrière-bouche urbain laisse présager un long vieillissement sans dessèchement. Un grand Bowie donc, noble, complexe et comme toujours, d'évolution lente et passionnante.

- New killer star :
En anglais, “nuclear” et “new killer” se prononcent quasi de la même façon. L’idée centrale du texte repose sur ce jeu de mot. Disons qu’aujourd’hui, un grand nombre de politiciens américains ont tendance à prononcer “nouvelle étoile tueuse” au lieu de “étoile nucléaire”. J’ai décidé d’en faire une chanson. J’ai composé ce titre (ainsi que la totalité de Reality) à New York. Il y a dans ce titre, de façon flagrante, l’onde de choc et toutes les résonnances de l’immense tragédie du 11 septembre.

- Pablo Picasso :
J’étais à New York à l’époque où ont émergé des groupes comme Talking Heads ou les Modern Lovers qui étaient tout simplement incroyables. Leur chanteur, Jonathan Richman, est un immense auteur, j’ai toujours adoré son travail. Je mourrais d’envie d’interpréter cette chanson... c’est l’une des choses les plus drôles que je connaisse. J’ai quelque peu modifié l’ambiance, le contexte. La version originale sonnait plutôt Velvet Underground, assez répétitive... J’ai délibérément étoffé et durci la structure pour la rendre plus rock !

- Never get old :
C’est un titre totalement ironique. J’entends déjà les gens me demander : “Est-ce que cela vous préoccupe tant de vieillir ? “, “La mort vous obsède-t-elle ?”, “Vieillissez-vous vraiment ?”... J’ai 56 ans, même si j’ai l’impression d’en avoir toujours 27, ce n’est là qu’une impression ! Et puis Never get old restera la chanson “Vittel”. C’était une façon habile d’avoir un de mes titres diffusé partout. Les publicistes français sont arrivés en me disant (accent français) : “We want you to do zis thing with the Ziggy”. Et je leur ai répondu : “Je voudrais plutôt jouer un titre nouveau, cela m’aidera au niveau des radios en France, pays où cest quasi impossible d’entrer dans les play-lists”. Et ainsi, grâce à cette bouteille d’eau, j’ai pu être diffusé massivement. C’était plutôt bien joué !

- Looking for water :
Je pense que ça se rapporte au Moyen-Orient car quand je l’ai écrite, j’avais cette image d’un homme qui rampe dans le désert à la recherche d’eau, une image excessivement "clichée". Et puis je me suis dit que la seule chose qu’on puisse apercevoir dans le désert, ce sont des puits de pétrole, ces puits semblent fonctionner mais il n’y a pas d’eau. Hmm, ça semble évoquer un truc militaire, industriel, un complexe du genre. Ce pourrait être une administration dont le manifeste aurait été rédigé à la fin des années 90 et qui aurait survécu jusqu’ici. C’est le genre de truc que j’avais à l’esprit.

- She'll drive the big car :
Il y a des personnes pour lesquelles il est difficile de continuer d’aller de l’avant. Cette femme, au centre de la chanson, réalise qu’elle est arrivée au bout de son chemin et qu’elle n’ira pas plus loin. Chaque jour, elle longe l’Hudson en voiture, se répétant qu’un jour elle viendra là en famille, au bord du fleuve, vivre et partager un moment d’intimité. À la fin de la chanson, on a la nette impression qu’elle va filer un coup de volant et se jeter dans la rivière. C’est une petite tranche de vie américaine, très triste. Il semblerait que l’automobile soit un élément indispensable à toutes bonnes tragédies américaines, c’est donc pour cela que cette histoire se passe dans une voiture.

- Try some, buy some :
A l’origine, c’est un 45 tours très obscur enregistré par Ronnie Spector. George Harrison adorait la voix de Ronnie et il lui écrivit ce titre. Il faut dire que Ronnie était une chanteuse absolument fantastique, j’ai toujours été l'un de ses fans et j’ai acheté ce single en 1974. Je pense que c’est le dernier enregistrement sorti sur le label Apple (celui des Beatles). Quand j’ai enregistré ce morceau, j’avais en tête le fait d’interpréter une chanson de Ronnie... jusqu’au moment où on a rédigé les notes et crédits de la pochette. Là j’ai réalisé que c’était en fait une chanson de George Harrison, produite par lui et Phil Spector. À cet instant, je me suis dit “quel heureux hasard !”, c’était une façon très élégante de lui rendre hommage, même si ce n’était pas totalement prémédité.

Reality :
C’est la première chanson que j’ai écrite pour l’album. Le mot “réalité”, à cause des médias, de la télévision, est devenu un terme totalement galvaudé ! Bien entendu, nous savons que la réalité est un concept totalement subjectif. Mais cette définition s’applique surtout à ceux d’entre nous perdus parmi toutes ces chaînes de télé qui ne véhiculent aucun absolu, trop de câbles, trop d’excès... Maintenant si on considère un pauvre type du sud de Londres, sans argent pour payer son loyer, sans nourriture pour nourrir sa famille, je peux vous assurer qu’il a une idée assez claire de ce que représente la réalité pour lui.

Bring me the disco king :
J’ai écrit ce titre en 1992, pour l’album Black Tie White Noise. Je voulais qu’il sonne un peu toc, kitsch, qu’il soit un vrai titre disco, assez rapide, dans la tradition des productions "slam" de la fin des seventies. Le problème c’est qu’une fois achevé, il sonnait réellement toc et kitsch. Ça ne fonctionnait plus avec le reste, il manquait d’épaisseur.A la fin des années 90, je l’ai retravaillé mais ça n’a rien donné. Je ne cessais de me répéter : “Il y a quelque chose de bien dans cette chanson, mais quoi ?”. Alors Mike Garson et moi l’avons complètement désossé, déstructuré, retournant à son essence, dans l’intention de réécrire de nouveaux arrangements. Mais lorsque j’ai entendu Garson pianoter sur l’épure du titre, j’ai compris qu’il ne fallait rien ajouter de superflu. La chanson était là, tout simplement, et elle fonctionnait à merveille.

Verdict ? Le Bowie 2003 est donc disert, volubile. Il n’hésite plus, triture son sujet, son personnage, l’expose, se livre çà et là entre deux métaphores, deux formules au rasoir. Oubliés les “Je suis un éclat d’homme de glace” d’antan, les faux-fuyants, les outrances théâtrales. “Je me suis enfin débarrassé du poids considérable de mon passé, de mes anciens morceaux. Ils ne me gênent plus”, lance-t-il en guise de justification. Quelle ironie !

C’est en renonçant à ses années d’or, à ses anciens pouvoirs qu’il les retrouvent soudain, quasi intacts. Soudain, derrière le masque de la pop star, l’homme ose une timide confidence : “Nous esquissons tellement de cercles sur cette ligne droite où l’on nous dit que nous voyageons. La vérité, bien sûr, est qu’il n’y a pas de voyage. Nous arrivons et partons tous à la même heure.” Faut savoir lire entre les lignes : voilà donc, c’est flagrant, le thème central de Reality (si ce n’est pas d’ailleurs celui de toute son œuvre !). Puis il se marre avant de conclure : “Aujourd’hui, je suis en phase avec moi-même. Je suis plutôt heureux... Mais je changerai probablement d’avis”.

Une fois de plus, malgré l’intéractivité verbale et musicale, le mystère Bowie reste entier. Comme le “Jean Genie” de la chanson, en sphinx respectable, il retrouve son rictus de reptile. Et c’est bien pour ça que nous l’aimons.

En savoir plus sur David Bowie.

 


© Copyright 2003 ZICLINE