Si la musique contemporaine doit avoir des héros, David
Byrne est de ceux-là. Depuis presque trente ans, l'artiste
américain dévoile des visages différents,
travaille l'image, le son et le texte. Il fut la voix névrosée
des Talking Heads, il se manifesta en précurseur de la
world music, collabora en studio avec Brian Eno ou au théâtre
avec Bob Wilson et créa son propre label, Luaka-Bop, qui
révéla notamment la chanteuse péruvienne
Susana Baca. Toujours en dehors des modes, il a su au contraire
les devancer avec une réelle approche artistique.
Avec ce nouvel album, David Byrne atteint les sommets, sa voix
s'est apaisée et se joue avec fragilité des mélodies.
Il signe treize compositions remarquables où les rythmes
marqués se confondent aux envolées d'un sextette
à cordes. On y croise pêle-mêle le big band
de Carla Bley, les frères Godfrey de Morcheeba et le superbe
Tosca Strings.
Il crée ainsi des ambiances originales, un univers esthétique
et poétique, à la fois profond et ludique. Même
lorsqu'il s'attaque à l'opéra par deux fois, avec
les thèmes de La Traviata de Verdi et des Pêcheurs
de Perles de Bizet, Au Fond du Temple Saint interprété
en français et en duo avec Rufus Wainwright, il fait cela
avec humilité et sensibilité.
Considérons-nous comme privilégiés puisqu'il
nous est permis d'écouter ce Grown Backwards, album éclatant
et brillant, sorte de chef d'uvre des temps modernes.
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