Mark Lanegan, ancien chanteur de Screaming Trees aurait pu connaître
le destin tragique d'un poseur, d'une icône éternellement
belle sur papier glacé mais frustré dans son art.
Heureusement pour lui, son physique et sa capacité à
brûler la terre où il passait, l'ont empêché
de passer au statut de vedette sur MTV à l'époque
où cela se faisait encore.
Ce nouvel album solo, à près de 40 ans, encore
plus abouti, encore plus maîtrisé et plus beau que
les précédents opus (restés injustement dans
un certain anonymat) devrait réparer l'affront, tout du
moins sur son talent musical. Face à la mort, face à
l'obscurité, il en profite pour gagner ses galons d'artiste
qui compte.
Bubblegum qui comporte 15 titres au poil de jus, ne devient pas
fade à la première mastication, ni à la seconde,
ni à la énième du reste. Excellent disque
de rock garage où les histoires désespérées
de l'Amérique profonde s'accompagnent de guitares toutes
puissantes sur la moitié des titres, pour laisser la place
à un blues aux percussions et tendance lo-fi sur le reste.
Durant Wedding dress ou encore la ballade Strange religion, la
voix revenue de tout de Mark Lanegan est une pure merveille. PJ
Harvey qui vient lui prêter main forte sur Come to me, rajoute
encore de la sève bestiale à l'ensemble. Sur les
murmures tonne la fureur.
Methamphetamine blues ou Sideways in reverse rappellent une certaine
époque grunge, devenue lointaine, que l'on pourrait qualifier
de post-Seattle multi-influencée et pourtant quasi unique.
On a le sentiment de parcourir un film de D.Lynch sur des musiques
de Tom Waits.
N'acceptant pas de parquer son ambition dans la voix (voie) de
son maître, The Mark Lanegan Band visite toutes les parcelles
exploitables de la musique américaine du tohu-bohu sur
Can't come down, au tord boyaux de Hit the city. Entre du blues
littéraire et des complaintes country dépressives
(Neil Young, The Doors) ce disque est à ranger dans la
catégorie indispensable.
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