Les bassistes de jazz français
ont décidément des imaginaires étonnants. Après
Daniel Yvinek et son Recycling the future, c'est au tour de Vincent
Artaud de nous livrer son premier opus, nous faisant ainsi découvrir
son univers onirique que certains pourront juger déconcertant.
Ce disque fait office de manifeste, inclassable, on y trouvera
des références multiples : le jazz pour son ouverture
d'esprit, l'importante rythmique et ses chorus de cuivres, Brian
Eno et son occupation de l'espace sonore, la musique contemporaine,
Bartok et son utilisation des cordes et Stravinsky pour ses envolées
sans retenus et pour finir les musiques électroniques intégrant
l'utilisation des technologies modernes. Mais quand on parle de
musique électronique, il n'est pas ici question de BPM
ou d'infrabass, mais de trames complexes et répétitives
qui viennent se mêler à des arrangements de cordes.
Les musiciens présents sont des pointures du jazz, Malik
Mezzadri à la flûte, Pierrick Pedron au saxophone
alto ou Franck Agulhon à la batterie, ou plus connus dans
le monde du classique, Eric Dufay au cor, Nicolas Dautricourt
au violon ou Jean-Paul Minali Bella à l'alto. Que Vincent
Artaud joue de la contrebasse est finalement assez secondaire,
c'est le compositeur, le " metteur en son " qui emporte
l'adhésion.
Sa musique ressemble à une sculpture (tout à fait
à l'image de la photo de la pochette), mais en mouvement
permanent. Il n'est pas du genre à sculpter l'air du temps,
il est un passager du temps, glanant des idées dans toutes
les musiques du XXème siècle. Il en découle
une musique mélancolique aux contours alambiqués.
Point de mélodies racoleuses, seulement des jingles qui
viennent se répéter, des élans romantiques,
des histoires à dormir debout, des univers entêtants
et de véritables morceaux de bravoure comme St Barthelemy.
En ressort aussi une indéniable vision hypnotique (Agarta,
Bereshit), des harmonies troubles qui nous font cheminer sur les
zones tangentielles du non-retour.
Si vous avez envie d'essayer, n'hésitez pas, il n'est
pas courant de rencontrer des uvres aussi étonnantes,
à la fois nouvelles et déjà mâtures.
|