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Fantômas, Melvins Big Band et ZU, 23/04/2006, Ancienne Belgique, Bruxelles.

Un des mes rêves était de voir les Melvins sur scène. Enfin un souhait exaucé ce soir avec leur passage à l'Ancienne Belgique, en compagnie de Fantômas, le groupe fou de Mike Patton. Ces deux combos hors du commun ont uni leurs forces pour produire une des musiques les plus étranges et les plus prenantes du moment.

D'un côté, les Melvins, véritable institution de l'underground américain, groupe inclassable qui opère depuis 1983 dans des registres multiples allant du punk lourd au grunge dépressif en passant par une vision inhumaine du stoner. C'est bien simple, la bande de Buzz Osborne, alias King Buzzo, est respectée par toutes les chapelles qui écoutent religieusement leurs chefs-d'œuvre, je cite brièvement la trilogie "The maggott", "The bootlicker", "The crybaby" (1999-2000), "Houdini" (1993, produit par Kurt Cobain qui vénérait le groupe), "Stoner witch" (1994), "Honky" (1997). Il y en a plus d'une vingtaine et les Melvins jouent également en compagnie d'autres artistes mythiques, Mike Patton déjà cité ou le grand Jello Biafra (ex-Dead Kennedys), avec qui ils ont sorti deux albums incendiaires ces deux dernières années. Je ne suis pas objectif puisque je me ferais couper une main pour les Melvins et je ne peux que vous recommander de vous aventurer dans leur univers incroyable, fait de heavy rock stratosphérique bourrin ou de voyages électro totalement incompréhensibles.

L'autre animal de l'affaire, c'est Mike Patton. Tout le monde met un genou à terre en entendant ce nom, synonyme de création à outrance, d'idées géniales fusant en tous sens et de talent vocal insurpassable. L'homme commence à faire parler de lui avec le désormais légendaire Faith No More, associé à la vague Grunge mais bien plus complexe que ça. Lorsque ce groupe part en fumée au milieu des années 90, Patton assouvit sa soif de création en créant des formations qui vont semer la perturbation dans les esprits, le démentiel Mr. Bungle ou l'insensé Fantômas, assemblement hétéroclite qui comprend quand même le colossal batteur Dave Lombardo, un des bouchers de Slayer, qui est d'ailleurs revenu dans Slayer après une escapade de plusieurs années et une collaboration maintenue avec Fantômas.

Alors, lorsque Fantômas rencontre les Melvins, c'est le choc astral. Imaginez que dans les années 70, Frank Zappa choisit de travailler avec King Crimson et qu'il rajoute derrière les fûts un flingueur de tambour comme Carmine Appice. Le cocktail explosif fait de la folie visionnaire de Mike Patton, de la puissance cosmique de King Buzzo et ses hommes, plus la technique surhumaine de Dave Lombardo aboutit à une machinerie musicale improbable qui déboussole totalement l'auditeur et à l'occasion lui liquéfie les neurones.

Avant d'entrer dans cette cosmogonie hallucinogène, il y a d'abord l'apéritif composé de Zu, un groupe italien formé de trois lascars tombés dans une marmite de Stockhausen et séchés à coups de Frank Zappa. Une basse, un saxophone ténor et une batterie répandent la stupéfaction parmi le public. On a l'impression de se retrouver face à de la musique contemporaine passée à la moulinette électrique. Zu est italien, alors on pensera forcément à du Edgar Varese mais aussi à toute la tradition rock progressif transalpain qui tutoyait les cieux dans les années 70 (The Trip, L'Uovo Di Colombo, Semiramis, Le Orme, PFM…). Les trois types se lancent dans de furieuses courses anti-mélodiques, complètement hachées, aux rythmes biscornus et perpétuellement attaqués par des dérapages sonores incontrôlables. Le bassiste part en vrille sous le regard d'un batteur excité sur son kit et qui démolit âprement ses fûts. Pourtant, tout semble sous contrôle et le tournevis qui est glissé dans les cordes de la basse arrive à un moment précis et les chocs du saxophoniste sur son instrument sont également bien calculés. Cette symphonie pour aspirateur et poil à gratter dure 45 minutes et constitue une entrée en matière sympathique pour ce qui nous attend.

A 21h15, les troupes de Patton investissent la scène. Il y a sur le côté gauche deux kits de batterie placés en long qui constituent une véritable forêt de fûts. Les guitaristes sont alignés tout au fond de la scène et les claviers de Mike Patton sont à droite. Il y a au milieu de ce dispositif en U un no man's land qui tient les musiciens éloignés des premiers rangs.

Le show démarre tout en lenteur, les musiciens accompagnant la musique par des sifflements. Puis l'orage éclate avec de brusques percées de sons énervés, maîtrisées par un Mike Patton qui agit en véritable chef d'orchestre. Celui-ci est sans arrêt à l'affût, commande ses hommes par de petits gestes vifs.

Agile comme un gibbon, il pousse de petits cris furtifs, fait sortir ses batteurs de leurs gonds, pointe du doigt les guitaristes qui bombardent. Il ne se passe pas une seconde sans que quelque chose d'invraisemblable étonne le public. Voici le guitariste de Fantômas qui attache un fil de cuivre à un ampli et déroule la bobine. Il agite le fil qui produit un fracas de sons anarchiques. Puis, c'est au tour de Dave Lombardo et de Dale Crover, les batteurs fous, de canarder en synchronisation ou d'exécuter des solos herculéens.

Sous la houlette du savant fou qu'est Mike Patton, tout ce monde impressionnant réalise une performance de bruits fous, de successions ininterrompues d'explosions sismiques ou d'expérimentations sonores fluettes. De chant grégorien en hurlements déments, d'ondulations ultrasoniques en décibels maudits, la musique de Fantômas et des Melvins renverse toutes les valeurs, brise tous les repères et laisse bouchée bée. La seule chose qu'on puisse reprocher à cette performance est la brièveté du set, qui s'en tient à une heure et quart, rappel compris.

Le groupe est venu, a joué et est reparti, quelques brefs remerciements de Mike Patton achevant un concert dont on n'est pas près de se remettre.

François.

 


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