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Ray Davies, 24/04/2006, Ancienne Belgique, Bruxelles.

Dans le Swinging London des années 60, les Beatles et les Rolling Stones, maîtres du jeu, devaient quand même compter les Kinks parmi leurs adversaires les plus redoutables. Le groupe des frères Davies était le challenger idéal. Le sens mélodique chevillé au corps, le génie de l'écriture de textes merveilleusement simples et très futés, et surtout la capacité à faire surgir des sons bruts qui allaient avoir des conséquences incalculables sur l'avenir, voilà ce qu'étaient les Kinks.

Au début des années 60, l'Angleterre s'embrase pour le blues et le rock'n' roll, qu'elle parvient tellement bien à faire sienne que les groupes britanniques volent le leadership aux Américains et créent le son anglais. Les Kinks ont droit à leur part de gloire avec leurs compatriotes Beatles, Rolling Stones, Yardbirds, Pretty Things, Animals, Hollies, Herman's Hermits ou Zombies. Parmi la meute des groupes anglais, ils peuvent prétendre être les plus classes du milieu populaire d'où sont extraites la plupart de ces formations mythiques.

De 1964 à 1970, les frères Ray et Dave Davies vont laisser à la postérité des albums cruciaux pour le mouvement beat ("The Kinks", 1964 ; "Kinda Kinks", 1965 ; "Kinks Kontroversy", 1965 ; "Face to face", 1966), puis négocier à merveille le virage psychédélique avec les albums "Something else" (1967), "Village green preservation society" (1968) ou "Arthur or the decline and fall of the British empire" (1969).

En 1970, les Kinks signent encore un chef-d'oeuvre de la pop avec "Lola vs. Powerman & the money-go-round" puis quittent le sommet du mont Olympe pour redescendre loin des médias et du star system et se consacrer à la musique. Car les Kinks ont toujours fait partie du paysage pop rock et aujourd'hui, c'est leur leader Ray Davies qui vient porter la bonne parole à l'occasion de la sortie de son premier album solo, "Other people's lives". A 62 ans, on s'attendait à ce qu'il ait déjà quelques albums indépendants sous son nom mais ce n'est pas le cas. Son itinéraire croise la Belgique qui a répondu présente en se massant assez tôt devant les portes de l'Ancienne Belgique.

Vous vous imaginez bien que le premier de la file, c'est encore moi. Je suis arrivé à 17h40, une heure vingt avant l'ouverture des portes et j'ai eu le nez creux puisque les premiers spectateurs arrivent quasiment en même temps que moi. Il y a même deux anglaises qui ont fait le déplacement depuis la perfide Albion et qui suivent Ray Davies dans ses pérégrinations depuis la Norvège jusqu'en Amérique. Moi, je n'en suis pas là et je viens surtout humer la légende, voir l'homme qui a inventé le hard rock. Ça s'est passé en juillet 1964, lorsque Ray et Dave Davies trouvent le premier riff heavy du monde, deux notes qui constituent la trame de "You really got me". A partir de cette pulsion de hargne, tout va basculer.

Et pourtant, ce ne fut pas simple, Ray Davies nous le racontera lui-même : à l'époque, les Kinks étaient mal vus des maisons de disques car leur son était jugé trop "working class", et le style de Dave Davies n'était qu'aboiement de chien. Normal, ils venaient d'inventer le hard rock, style naturellement ouvrier. Mais les maisons de disques n'ont pas pu empêcher la dictature du prolétariat et l'expansion inévitable des riffs d'acier des suiveurs, les Yardbirds, Who et autres Cream ou Hendrix.

Aujourd'hui, plus de quarante ans après, de l'eau a coulé sous les ponts et les Kinks seraient presque anecdotiques sans leur glorieux passé. Mais il y a toujours les fans qui suivent et vénèrent l'œuvre solo de Ray Davies. Ces fans sont d'ailleurs bien installés comme moi au bord de la scène de l'Ancienne Belgique et ils attendent. Je discute avec un alsacien qui est venu de France (pardon, d'Alsace). J'avais déjà entendu parler de lui : l'homme est un ancien cheminot et il peut voyager à l'œil un peu partout. Il a vu AC/DC en première partie de Black Sabbath à Colmar en avril 1977, alors, respect.

A 20 heures précises, Ray Davies arrive sur scène et entame son set avec des versions semi-acoustiques de "I'm not like everybody else" et "Where have all the good times gone". Ses musiciens sont derrière lui, bien alignés de chaque côté de la scène avec Ray au milieu. Leur présence est discrète et ils soutiennent efficacement la prestation de Ray Davies, qui est la grande attraction de ce soir.

On sent que l'homme a bien vécu et qu'il rayonne de sagesse. Sa communication avec le public est formidable et nous allons chanter en choeur à de nombreuses reprises sur les refrains de "Sunny Afternoon", "Dead end street" ou "Tired of waiting for you". L'électricité acharnée n'est pas forcément de mise et Ray Davies nous interprète son répertoire en alternant les phases dynamiques (les chansons des Kinks) et les moments de recueillement (ses chansons récentes comme "Creatures of little faith", "After the fall", "All she wrote"). Ce concert fait plaisir à tout le monde, au public, au chanteur et à son groupe. Ray Davies improvise, il entonne "Harry Rag" a capella car il a entendu quelqu'un lui demander cette chanson, non prévue dans la set-list. Et puis, quel plaisir que de l'écouter chanter ! Ray Davies est un authentique écrivain qui sait trouver les mots et les transformer en émotions.

A l'issue d'une première partie d'une heure et quinze minutes, il y a un intermède d'un quart d'heure et les activités reprennent pour une seconde heure d'enchantement. Ici, le répertoire va s'orienter vers plus de profondeur, de retour au blues et au folk. De temps à autre, une mignonne demoiselle vient faire les backing vocals et Ray Davies interprète des chansons comme "Where do I belong?", "Days", "Stand up comic", "The morning after" ou "The getaway". A un moment, la scène vibre sous l'effet d'un énorme souffle, Ray et ses hommes se mettant à faire du space rock. C'est vers la fin du set que Ray Davies déverse encore une brouette de titres immortels des Kinks : "Tired of waiting for you", "Set me free", "All day and all of the night". Il change plusieurs fois de chemise, il sourit comme un enfant et il est toujours frais et pimpant comme au début du show : c'est Keith Richards avec quarante ans de moins.

Bien entendu, il y a un rappel (je sais tout car j'ai sous les yeux une set list de deux pages qui finira dans ma poche après le concert) et c'est encore un voyage dans l'histoire des Kinks au pays de leurs meilleures chansons : un "Lola" " printanier et un "You really got me" qui fait bondir la salle dans un dernier sursaut de joie. Les premiers rangs sont comblés puisque Ray vient serrer les mains (il ne lâche plus la mienne, je ne sais pas pourquoi) et les deux anglaises à côté de moi, qu'il voit à chacun de ses concerts, ont droit à un baiser sur les lèvres.

Ce soir, c'est Ray Davies qui a "really got us".

Set list :
I'm not like everybody else / Where have all the good times gone? / After the fall / All she wrote / 20th Century man / Oklahoma USA / Village green / Picture book / Sunny afternoon / Dead end street / Next door neighbour / Creatures of little faith / The tourist / Till the end of the day / Where do I belong? / Days / Stand up comic / The morning after / The getaway / Tired of waiting for you / Set me free / All day and all of the night / Lola (rappel) / You really got me (rappel)

François.

 


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