Soulfly et Cowboys & Aliens, 18/03/2006,Vooruit,
Gand (Belgique).
Depuis le 28 janvier et jusqu'à la fin
du mois de mars, Soulfly et son thrash tribal sorti du cerveau
tourmenté de son patron Max Cavalera ravagent les villes
d'Europe et c'est au tour de la Belgique de subir la démolition
sonore. C'est donc un rendez-vous à ne pas manquer.
Bizarrement, le concert est programmé à
une heure indue (22 heures) et j'ai le temps de me rendre tranquillement
à Gand pour découvrir une salle qui n'est pas évidente
du tout à trouver. La route étant coupée
par de gigantesques travaux en plein centre ville, je préfère
terminer le chemin à pied et je trouve enfin le Vooruit
après quelques déambulations hasardeuses. Ce vénérable
immeuble est un grand centre culturel avec une salle de théâtre
et d'autres dépendances, dont la salle de concert qui nous
intéresse aujourd'hui et qui est dissimulée à
l'arrière du bâtiment, dans une ruelle obscure. J'y
retrouve quelques camarades fidèles venus prendre leur
dose d'adrénaline, ce qui permet de passer le temps d'attente
à bavarder et d'oublier le froid.
De l'émotion forte, il va en être
question avec Soulfly. Depuis 1997, Max Cavalera, ex-leader des
célèbres thrashers brésiliens de Sepultura,
évolue avec cette nouvelle formation qu'il a créée
après avoir été évincé de Sepultura,
devenu énorme à la suite de son disque révolutionnaire
Roots. La pression du succès, des décès dans
la famille de Max et la rancur d'avoir été
viré de son propre groupe ont façonné un
Cavalera plus rageur et vindicatif que jamais. Avec Soulfly, l'homme
a pu développer un style incomparable de brutalité
néo-métal associée à la furie thrash
du bon vieux temps, à des expérimentations sur la
world music et toutes les sonorités alternatives et exotiques
qui influencent Max au quotidien. Aujourd'hui Soulfly sort un
cinquième album : Dark Ages, l'un des plus violents depuis
le premier disque de 1998, et faisant suite à une série
d'albums qui ne laisse jamais indifférent grâce à
leur audace créative (Primitive en 2000; 3 en 2002 et Prophecy
en 2004).
Dès l'ouverture des portes, nous nous précipitons
dans la salle et nous installons à une barrière
qui va servir de rempart aux multiples assauts qui ne vont pas
manquer de bousculer l'auditoire. La petite salle du Vooruit,
qui peut accueillir dans les 1500 personnes, est en effet pleine
à craquer de fans venus accueillir la légende vivante
Max Cavalera, que d'aucuns surnomment le Bob Marley du métal.
Auparavant, le tour de chauffe est professé
par les brugeois de Cowboys & Aliens. Je vois ce groupe de
stoner pour la deuxième fois en moins de deux mois et je
dois reconnaître que leur manager se débrouille bien
pour placer le combo en première partie de très
gros groupes afin d'attirer sur lui l'attention du public. Après
Deep Purple en janvier, Cowboys & Aliens joue quasiment à
domicile devant un public de hardos beaucoup mieux acquis à
sa cause que les " rombiers " vieillissants du concert
de Deep Purple. Dans une salle mieux adaptée à son
envergure, Cowboys & Aliens libère sa puissance avec
plus d'aisance et réalise un sympathique petit set de huit
titres bien lourds et bien énergiques, avec un final en
hommage à Guns 'n' Roses avec la reprise de Paradise City.
Tout cela est un excellent apéritif avant la décharge
ultime que Soulfly va nous réserver.
A 23h15, le public s'embrase en voyant arriver
sur scène Max Cavalera et ses hommes. Présentation
succincte des bourreaux. Marc Rizzo (ex-Ill Niño) est un
guitariste de folie, un embraseur de manche qui tournicote sans
cesse sur lui-même comme un moustique épileptique.
Bobby Burns (ex-Primer 55), crête iroquoise sur la tête,
expulse des mégatonnes de riffs coupés au plutonium
de son énorme basse. Le batteur Joey Nunez a déjà
joué avec Max Cavalera sur Primitive en 2000 et revient
ici plus puissant que jamais, tribal, nocif et féroce sur
les fûts. Et bien sûr, Max Cavalera et sa guitare
aux couleurs du Brésil, tout heureux d'être là
et communiquant à 200% avec son public.
Dès les premières mesures de Babylone,
une pluie de slammeurs s'abat sur le devant de la fosse. Le service
de sécurité doit agir vite alors que les photographes
sont encore dans la minuscule fosse et c'est le chaos total d'entrée
de jeu. Je vais me prendre à peu près 80 types sur
la tronche, dont 25 fois le même mec chevelu porteur d'un
tee-shirt Deftones. Qui disait que le public flamand était
de marbre? Il y a des circonstances où l'on ne peut pas
faire autrement que de libérer sa rage et sa frustration
et la musique de Soulfly est un excellent exutoire.
Max Cavalera n'oublie jamais de remercier Dieu
sur chacune des pochettes de ses disques et arrive à traduire
dans sa musique la colère de l'humain face aux injustices
et à la barbarie moderne. Le groupe visite l'étendue
de ses disques en une vingtaine de titres et une heure et demie
de charcuterie fine livrée à domicile. L'album Dark
Ages est à l'honneur avec des coups de massue imparables
comme Babylone, Arise again, Frontlines tandis que Max damne son
public avec de salvatrices reprises de Sepultura comme Roots bloody
roots ou Refuse/resist (de "Chaos A.D."). Les plus anciens
d'entre nous peuvent aussi s'éclater avec une version blindée
du Symptom of the universe de Black Sabbath (époque Sabotage
, 1975).
La force de frappe de Soulfly sur scène
est phénoménale. Max Cavalera agit en frontman charismatique,
laisse parfois son équipe se défouler sur scène
pour aller changer de tee-shirt en coulisses et revenir aiguillonner
un public chauffé à blanc. Il se pointe même
avec un énorme tambour autour du ventre et invite un membre
du public à venir jouer avec lui. C'est mon pote Adrien
qui saisit sa chance et qui a l'honneur de jouer du tambour avec
Max Cavalera, démontrant à l'assistance ce qu'est
un vrai fan de métal et raflant au passage baguette et
médiators. Au bout d'une heure et quinze minutes, le pilonnage
cesse brièvement avant que Joey Nunez, resté derrière
sa batterie, n'exhorte le public à hurler tandis qu'il
martèle lentement sa grosse caisse. Les autres reviennent
pour un rappel de deux titres qui achève tout dans l'apocalypse
de Eye for an eye, terrible premier morceau du terrible premier
album de Soulfly.
Je m'extrais du charnier complètement contusionné.
Je n'avais pas vécu un concert aussi physique depuis Slayer
et je me dis qu'il serait bon un jour de se changer les idées
en relisant Shakespeare tout en écoutant Mozart au coin
du feu. Mais ce ne sont que des paroles en l'air car je remettrai
ça dès que se présentera une nouvelle occasion
de se faire bouffer les tympans.
François.
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