Il doit s'en délecter, le bougre. Jubiler, osciller nerveusement
entre rictus cynique et juvénile satisfaction.
La vogue actuelle, qui tend à valider tout ce qui chante
en français pour satisfaire l'appétit ogresque d'un
auditoire en rupture de discernement, a au moins ça de
bon qu'elle accouche d'inattendus coups de projecteurs. Cette
frénétique poursuite lumineuse s'arrête un
peu n'importe où, au mieux auréolant de gentils
troubadours (Amadou et Mariam ou comment satisfaire simultanément
à deux quotas de la bonne conscience) au pire jugeant des
sots en auteur (Didier Super ou la racine carrée du degré
zéro).
Aujourd'hui elle permet à la France médiatique
de découvrir un petit nouveau, qui vient de faire en dix
jours de promo autant de passages télé qu'en vingt
sept années de carrière, quatorze albums studio
et six live.
Il doit s'en délecter, le bougre. Jubiler et finalement
opter pour la juvénile satisfaction et ranger un cynisme
qui n'est pas de mise. L'éternel solitaire, apôtre
de la création égocentrée, s'ouvre aux collaborations.
Récupération malingre, histoire de surfer au passage
sur une vague qui n'est pas la sienne ? Pas de çà
chez nous : Scandale mélancolique est un disque sincère
et, qui en plus est, réussi.
On y croise la voix de Cali (Gynécées), on y retrouve
JP Nataf, Mickaël Furnon, Jérémie Kisling,
Elista crédités aux compositions. On y entend surtout
un Thiéfaine épanoui, déclamant une poésie
tantôt sombre, tantôt lumineuse, sur des orchestrations
originales et variées, entre chanson résolument
anti-variété et scansions définitivement
rock.
Il doit s'en délecter, le bougre. Mais il jubilera moins,
et nous avec, lorsque l'effluve déraisonnable d'affection
pour la musique francophone sera éteint. Sera-t-il déçu
de comprendre que de sa discographie pléthorique, l'histoire
ne retiendra que son album le moins personnel ?
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