A la fin, jai
été remplacé par le fils du directeur, et je
navais jamais rien fait dautre quêtre artiste.
Pour entrer à lUniversité (une place par municipalité),
jai rempli un tas de formulaires de tous types possibles et
jai été admis en médecine. Jai
commencé à 17 ans, on ne payait rien car tout était
réglé par lEtat. Le matériel était
soviétique et lenseignement de qualité car il
était important pour Castro davoir cette vitrine publicitaire
pour le monde extérieur mais aussi pour le peuple.
A la fin de mes études, je gagnais léquivalent
de 4 dollars par mois ( mes parents 2 dollars) ce qui me permettait
daider ma famille, qui comme tout cubain, recevait un litre
de lait, 6 ufs, un kg de farine par mois. Mon salaire était
bas, les études gratuites mais cetait notre façon
de rembourser lEtat.
Comment
se passait votre vie de médecin ?
Apres ces études de bon niveau, jai fait une spécialité
qui nexiste quà Cuba , la prévention en
médecine primaire. Jétais attaché à
un quartier et je soignais et surveillais tout ce qui se passait,
en appliquant strictement les directives du régime. Nous
recevions un logement de fonction (ce qui est exceptionnel à
Cuba) mais soyons francs au-delà de mon métier, le
médecin savait aussi tout ce qui se passait dans les familles,
qui faisait quoi, qui pensait quoi.
On
sent naître lidée du changement ?
Cest vrai ! Jai été élevé
dans le berceau du socialisme cubain et je croyais totalement
à son mode de pensée. J'ai même pleuré
à la mort de Brejnev ( rires) et je pouvais me mettre
en colère si quelquun critiquait le régime
(mais ils étaient rares).
Mais petit à petit, je me suis rendu compte que malgré
mes études et mon statut, on décidait de tout
pour moi. J'ai commencé à réfléchir
différemment au grand dam de mes parents. |
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Evidemment cela
sest appris. Je risquais de ne plus évoluer dans ma
carrière médicale mais cela ne m'intéressait
plus de vivre dans un monde sans liberté dexpression.
Je devais donc partir.
Cest
le début de lexil ?
Oui, il fallait le radeau. A ce moment-là, Cuba laissait
partir plus ou moins tous ceux qui voulaient fuir par leurs propres
moyens (en se réappropriant au passage leurs maigres biens).
Jétais parvenu à être engagé comme
médecin sur un radeau en apportant mon savoir-faire et des
médicaments, et les 21 personnes du radeau payaient pour
moi le passeur car je navais pas dargent. Mais malgré
deux tentatives, nous avons échoué.
Vers
quoi pensiez-vous partir ?
Vers la liberté évidemment car je devenais adulte.
Et malgré mes ignorances, la seule chose que je savais cétait
quaux USA, jaurai le choix de dire ou de ne pas dire
alors quà Cuba on voulait me faire dire ce quon
avait envie dentendre. Même être silencieux était
impossible !
Echec
du radeau donc retour à la case départ ?
Pire que cela encore car javais juré fidélité
à Castro à la fin de mes études. Jai
donc été arrêté et devais être
jugé. Ma peine aurait été probablement de travailler
dans une sorte de ferme avec dautres opposants au régime,
en tant que médecin. Heureusement javais droit d'aller
en appel et jai profité de cette période pour
ameuter tous les cubains exilés dans le monde (que javais
connus et grâce à des touristes de passage). Jai
reçu un réponse positive de Belgique ( le bout du
monde pour moi), j'ai demandé un visa de touriste, attendu
avec fébrilité pendant 8 mois la réponse du
Ministère avant de pouvoir partir. Au revoir Cuba.
Au
revoir Cuba, welcome in Belgium !
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