Il est fort
probable que j'interpréterai dans trente ans des choses
tout à fait différentes. Il n'y a pas une musique
qui en exclut une autre. Le développement que je souhaite
connaître prend toute une vie. Il ne faut pas se limiter
à tel ou tel disque, car il faut toute une existence pour
créer un son. C'est comme apprendre une langue, rencontrer
quelqu'un ou développer des relations. Les premiers gestes
et les premiers mots sont souvent différents de ceux qui
existeront un an plus tard. Les relations grandissent et je vois
ma musique de la même façon. Comme un éternelle
mutation.
En
quoi votre style est-il personnel dès l'instant où
la majorité de votre répertoire est constitué
de reprises ?
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Je
suis intéressé, en réalité, par
la combinaison de plusieurs genres de générations
différentes. Je souhaitais introduire plus de variété
de styles dans mon second album mais aussi un échantillon
de ce qui m'a personnellement influencé. C'est pour
cela qu'on y trouve des classiques comme ST Louis Blues ou
Cherokee mais aussi des morceaux de Carole King. Mes critères
pour rejouer des standards est de les approcher comme de nouvelles
chansons. Au départ, j'ignorais parfois ce que j'allais
choisir, et elles se sont imposées d'elles-mêmes
comme si elles étaient venues vers moi .Si j'entends
un standard, je me demande toujours comment je le jouerais,
ou comment je me comporterais si je l'avais créé.
Cela ne m'intéresse pas de le jouer de la même
façon que l'original mais plutôt d'apporter quelque
chose de nouveau. Ce qui me donne la chair de poule est la
façon dont je vais l'assimiler afin d'y exprimer ma
personnalité. C'est l'un de mes buts. |
Pour
aborder de cette manière les standards, une bonne connaissance
de l'histoire du jazz est nécessaire ?
Oui. Il est important de savoir ce qui a été fait
auparavant et ce dans tous les domaines. Pour pouvoir progresser
dans la musique, il est primordial de jeter un coup d'oeil vers
le passé. Non pas pour reproduire ce qui a déjà
été joué, mais pour créer en gardant
en conscience ces marques du passé.
Quels
sont vos défauts en jazz ?
Pour
reprendre la comparaison avec une langue, je dirais que
je dois encore apprendre tellement de mots. J'y pense toujours
en écoutant les autres. Mais j'ai la même sensation
dans tout ce que je fais, que ce soit la composition, l'écriture
des paroles, les arrangements, le chant ou jouer du piano.
Ce sont des parties de moi-même et de ce que je fais.
Et dans chacune de ces parties, il reste encore beaucoup
d'espace pour grandir. Mais elles sont toutes connectées
et je ne fais jamais l'une sans l'autre. Si je devais en
amputer, je ne pourrais plus jouer de musique. Faire un
disque n'est pas uniquement chanter ou jouer, c'est tout
ce qui précède aussi qui en donne la valeur.
Et
les défauts en tant qu'homme ?
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Probablement
de donner trop d'importance à certains détails !
Je me pousse parfois trop au perfectionnisme pour certaines choses.
Dans la musique, je sais exactement ce que je désire, mais
je me rends compte que cela ne vaut pas toujours la peine. Et
en même temps, j'aime les imperfections. Mon approche de
la perfection peut parfois m'obséder. J'ai certainement
d'autres défauts comme homme, mais ma sur les citerait
mieux que moi.
Comment
vous sentiriez-vous si le succès devait s'envoler ?
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