Bien sûr
que je le sais ! Je me retrouve souvent dans des cas de conscience
mais je suis comme tout le monde : j'ai un loyer à payer,
j'ai des frais ! Je ne suis pas rentier et je n'ai pas une famille
pleine aux as. J'ai donc besoin de travailler pour vivre. Parfois
je refuse des choses alors que si je travaillais dans une pizzeria
je n'aurais pas à me poser de problème. Je ne peux
pas le faire non plus sous un pseudo. Ils veulent que je signe.
Tu vois des fois je me dis qu'il faudrait que je refuse tout en
sachant que cela pourrait me sortir d'un mauvais pas. Pour l'instant
j'ai réussi à peu près à garder une
certaine éthique. Mon écriture, je n'ai que ça
! C'est ma survie !
D'où
vient cette souffrance qui se dégage de ton disque ?
Il y a de l'humour noir dans ce disque ! Quand je dis " Je
ne sais pas si j'en ai encore pour très longtemps "
je ne sais pas à quel degré je l'ai écrit !
Je ne sais pas si le blues, si mon écriture est une catharsis
C'est ce qui me retient à la vie, sinon je serais défoncé
dès le matin. J'ai eu une discussion avec Daniel Darc à
propos de la morale qu'on nous faisait sur le fait qu'il ne fallait
pas boire ou se défoncer. Mais quand je suis à jeun
je suis trop triste ! J'ai trop de douleur en moi. Je sais que c'est
le prix à payer !
Une
grande solitude ressort de tes paroles. Est-ce la solitude de te
dire que dans les années 70 tu pouvais encore te démerder
pour détruire le système alors que maintenant tu es
obligé de l'accompagner ?
Bien sûr que c'est beaucoup plus compliqué ! Le rôle
de la musique n'est pas le même. Je ne vais pas te faire le
plan que tu mets tout dans un disque et qu'après tu le jettes
au loup mais c'est un peu vrai ! Autant pour les romans je faisais
ce qu'il y avait à faire avec les attachés de presse
mais avec une vision de loin alors que là je le vois malgré
moi de beaucoup plus près. Je suis au courant des magouilles
! De ceux qui sont derrière mon dos
Et c'est vrai que
c'est stressant mais je suis finalement content du résultat.
J'avais fais un disque avec Myriam dont j'aimais les chansons mais
il était hermétique. La production n'était
pas terrible. Les grands que je respecte vraiment ont toujours su
faire des chansons qui parlaient à tout le monde. Le type
de ma maison de disques m'a dit : toi au fond ce que tu veux faire
ce sont des grandes chansons populaires. Et c'est la réalité
! J'ai passé ma vie à essayer de comprendre comment
sont faites les chansons que j'aime par-dessus tout !
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Il
y a aussi cette figure christique qui tourne autour de ton
disque ?
Je me rappelle un papier sur Vince Taylor, alors que j'avais
treize ou quatorze ans et en trois phrases ce truc m'avait
frappé comme aucune chose avant. J'ai toujours su que,
lorsque tu es sur scène, dans la mise en scène
du rock, le mec doit s'en prendre dans la gueule pour les
autres. En même temps tu as plein d'avantages ! Je sais
qu'il y a un prix à payer !
On
dirait presque que tu cours après quelque chose qui
n'existe pas ?
Possible mais qu'est-ce que tu veux que je fasse d'autre ?
Je crois que c'est le cas de toute personne un peu sensible.
Des philosophes de l'absurde ont expliqué ça
mieux que moi.
Peux-tu
nous parler de Montevideo ?
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Je n'y suis
pas allé ! C'est une clinique de " désyntox "
bien connue. On peut la lire à plusieurs niveaux cette chanson.
Presque comme un truc d'humour ou comme un truc vrai. Le discours
politiquement correct sur les drogues je le trouve complètement
ridicule. En deux mots ! Les drogues sont quelque chose de très
difficile à maîtriser. Tu peux en être victime
comme de l'anorexie ou du sexe. Les drogues c'est pareil ! Ca ne
sert à rien de parler du tabac comme d'un fléau si
tu oublies le reste. J'ai vécu l'interdiction du speed. C'est
un mystère pour personne que Sartre ou Flaubert ont écrit
leurs plus belles pages sous narcotique. Moi c'est quelque chose
que j'ai pris très longtemps. Lorsque ça c'est arrêté
j'ai eu du mal à retrouver mes esprits. Quand tu vois ce
film ridicule sur Johnny Cash où tu as l'image qu'il prend
des drogues et qu'il ne fait rien
C'est faux ! Les grands
jazzmen utilisaient ce moteur pour leur créativité.
Ce qui n'empêche pas que c'est dangereux. Evidemment que je
ne dirais jamais aux jeunes d'en prendre ! Pourtant ils m'en parlent
souvent. Ca fait partie de la mythologie du rock'n'roll. Je souhaite
leur dire la vérité par rapport à ça.
Je ne fais pas du prosélytisme. Quand tu as un minimum de
pouvoir sur les gens en racontant des histoires c'est la moindre
des choses de le faire bien et de poser deux ou trois questions
sur le sujet ! Montevideo raconte mon expérience personnelle.
C'est un mystère pour personne que Clapton n'a pas sorti
un bon disque depuis qu'il est clean. D'accord l'époque a
changé mais il était plus brillant junkie ! C'est
une constatation de base ! Quand je ne prends plus rien je suis
clean. Si je prends une guitare je n'arrive plus à rien !
Mes doigts ne suivent plus. Les narcotiques, j'y suis allé.
Je déteste aussi que certains artistes disent qu'ils sont
encore dépendants alors qu'ils n'ont plus rien touché
depuis dix ans. Il faudrait qu'ils se flagellent publiquement devant
les autres pour dire qu'ils sont encore des victimes. Je suis autant
énervé par les narcotiques anonymes que par la loi
Evin sur le tabac, sur cette prohibition
Tu
as d'ailleurs eu un problème à ce sujet sur ta pochette
?
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