Paris,
jeudi 7 mars 2002.
Alors que sort en France son album Le Creux des Fées, alchimie
savante entre folklore et musique électronique, j'avais
hâte de rencontrer la chanteuse suisse, hâte de rencontrer
une vraie fée. Mais un doute me vient subitement, et si
elle parlait réellement une langue inconnue
D'où
vous vient cette envie de chanter en patois ?
Ah ! Ah ! Je suis venue à la musique en parfaite autodidacte,
et j'ai commencé par entendre des mélodies avant
d'y mettre des paroles. L'envie de chanter en patois m'est venue
assez tardivement, quand j'ai commencé à avoir des
mélodies en tête. Le français est ma langue
maternelle et il y avait des sujets que je n'avais pas envie d'exprimer
en public, des choses en rapport avec l'intimité ou une
certaine forme de naïveté. Ma grand-mère, qui
vivait à la montagne, parlait une langue que je n'ai jamais
apprise, j'étais une petite fille de la ville. Et cette
langue mystérieuse, c'est la langue qu'utilisaient les
adultes quand ils ne voulaient pas que les enfants comprennent.
Tout à coup, j'ai eu cet appel, cette envie de l'oralité
qui avait disparu. J'y suis arrivée aussi grâce à
la découverte d'autres cultures, je faisais des churs
dans des groupes de musiques albanaises, grecques ou africaines
et je me suis rendue compte que tout ce qui était mis en
exergue et qui m'attirait était la culture orale, un rapport
à l'ancestral, à la magie, aux guérisseurs,
un rapport au sacré.
N'est-ce
pas aussi une façon de faire passer la musique avant
les paroles ?
Oui,
ce sont des sons, c'est le langage de l'émotion puisque
ce n'est pas un discours pensé. Ca n'a pas de forme,
ni intellectuelle, ni écrite, en tout cas, pas pour
moi.
Qui
vous a transmis cette langue orale ?
Elle
ne m'a pas été transmise. J'ai contacté
des gens avec qui travailler, parce que je ne la parle pas
et je pense que le patois est une chose terminée.
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Il a disparu,
il y a deux générations, quand les mères
ont cessé de le transmettre aux enfants. Je suis donc allée
voir un vieux monsieur près de chez moi en lui demandant
de mettre son vocabulaire au service de ce que je voulais dire.
J'avais les mélodies, j'avais les images, on a fait ce
travail la ensemble sur les deux premiers titres. Après
j'ai fouillé un peu pour savoir ce que pouvait être
la musique traditionnelle chez moi, pour m'en servir comme matériau
de base pour le déstructurer complètement. Par la
suite, j'ai recroisé quelqu'un avec qui j'étais
à l'école et qui avait grandi dans un village. Il
parlait encore cette langue, il est ainsi devenu mon parolier.
Les
paroles ont donc été écrites spécialement
pour les chansons ?
Suite.
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