Interview
surprenante du pianiste belge Diederik Wissels. Après plus
de 20 ans de présence sur les scènes européennes,
il évoque sa relation avec le chanteur David Linx, sa vision
de la musique et ses rapports avec le business.
Une rencontre surprenante avec un grand musicien qui n'a pas froid
aux yeux et qui ose appeler un chat par son nom.
Vous
avez dit dans une interview qu'un musicien devrait se battre constamment
!
Oui, tout d'abord avec soi-même car on ne se lève
pas tous les matins avec la créativité au bout des
doigts. Il faut beaucoup d'énergie pour éviter ces
forces paradoxales qui agissent autour de nous et qui risquent
de nous éloigner de notre projet. Ce sont parfois de simples
choses de la vie quotidienne. Il suffit d'un album marchant moins,
pour l'interpréter comme un signe. En tenir compte ou pas
? Et y réfléchir prend déjà beaucoup
d'énergie. Que doit-on faire pour le prochain ? Faut-il
partir à l'étranger pour tenter sa chance est une
autre question importante. Nous sommes depuis quinze ans à
Paris et ce ne sont pas des décisions faciles à
prendre. Ton parcours, tu le produis toi-même. Ecrire de
la nouvelle musique ou explorer d'autres registres demande une
réflexion importante. Il faut décider parfois de
ne pas faire d'autres choses pour se limiter à une seule
et cela demande aussi de la force.
J'ai
une peur bleue de ne plus rien faire, ou de trop faire et
donc de ne rien faire. J'ai fait cette erreur au début
de mon parcours. Je jouais comme sideman et je pensais que
c'était mon rêve de musicien. Et pourtant, j'accompagnais
des grandes pointures comme Chet Baker. J'ai ressenti que
ce n'était pas ce que je voulais continuer à
être et que mon insatisfaction ne ferait qu'augmenter
en restant. Au point de connaître une période
d'arrêt pendant quelques mois vers 26 ans. J'avais cette
impression de ne pas être content et ce n'est qu'ensuite
que j'ai développé ma propre musique. C'est
tout cela que j'appelle se battre. |
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Il
y a aussi l'énergie de se vendre, les jazzmen le font-ils
bien ?
Que doit on faire est peut-être la bonne question. Il faut
prendre le temps de s'entourer et cela demande beaucoup d'énergie
pour un musicien seul. Très dur de garder cette motivation
qui use avec le temps. David Linx et moi avons l'avantage d'être
moins soumis à cette pression car nous sommes deux, et
plus en position de demandés que de demandeurs. Mais tout
cela est aussi une question de temps et de travail.
Un
bon agent peut-il faire la carrière d'un musicien, comme
un produit bien marketisé ?
C'est une question que nous nous posons tous les jours. Un agent
peut faire énormément mais le vrai moteur reste
toujours le musicien. Car son produit doit tenir la route dans
le temps. Un agent n'est jamais content de son musicien et la
réciproque est vrai. Une anecdote pour expliquer les rapports
parfois ambigus.
Après Heartland, notre agent n'était pas très
chaleureux pour produire notre album suivant (This Time) car il
estimait que nous avions déjà tout dit. On s'est
regardé et nous sommes dit qu'il devait travailler pour
nous et pas le contraire. On a changé d'agent, et notre
disque est sorti et a bien marché. Il n'est pas normal
de devoir convaincre son propre agent.
Le
rôle des majors est donc important ?
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