L'histoire de ce grand guitariste de jazz, trop peu connu, est
curieuse ; il devint professionnel à l'âge de 15
ans et joua avec Willis Jackson, Jimmy Smith, John Handy, puis
en 1966 créa son propre groupe pour sortir l'année
suivante le premier disque sous son nom (El hombre). Petit à
petit la côte de popularité de ce " fils spirituel
de Wes Montgomery " grimpa auprès d'un public séduit
par son jeu de guitare, ses judicieuses improvisations et il fit
les beaux jours des labels depuis disparus Prestige puis Muse.
Hélas en seconde moitié des 70's, au sommet de
la gloire, il tomba gravement malade et devint amnésique
suite à une rupture d'anévrisme. C'est avec une
force de caractère rare et après de gros efforts
dont un réapprentissage complet de la musique et de la
guitare, notamment en réécoutant ses propres disques,
qu'il parvint à retrouver son niveau et à publier
en 1987 The return (splendide album) puis signa chez Blue Note
en 1996.
Depuis Pat sort avec parcimonie ses disques, le dernier en date
étant le splendide Live at Yoshi's qui fit l'unanimité
de la presse spécialisée et du public, il fut plusieurs
fois récompensé, le jeu du trio y est exemplaire
et digne de figurer dans toute bonne discothèque.
En ce début d'année, le guitariste américain
est de retour avec ce quatrième disque chez Blue Note ainsi
que pour un premier
concert à Paris dans le fief du jazz parisien : le
New Morning pour un grand moment. Cette fois Pat a formé
un quintet comprenant des grands musiciens de jazz actuel : Joe
Lovano : saxophone tenor, Gonzalo Rubalcaba : piano, Christian
Mc Bride : basse et Lewis Nash : batterie, venus passer trois
jours l'an dernier à New York (du 08 au 10 janvier 2003),
avec qui, hormis Christian, il n'avait jamais joué.
A la différence de son jeu en trio où sa guitare
tient le rôle principal, ici il laisse beaucoup de place
à ses musiciens, il partage les chorus avec son pianiste
et son saxophoniste dans une technicité à la fois
fluide, particulièrement pointue avec toujours beaucoup
d'élégance; vous le constaterez dès le premier
titre : The phineas trane (en l'honneur de John Coltrane). Il
a laissé volontairement de côté les ballades
blues à la Wes pour un album axé jazz où
tous les instruments peuvent s'exprimer, d'ailleurs tout le monde
y va de son solo sans pour cela tomber dans le disque démonstration.
La composition qui donne son titre à cet opus (Think tank)
est elle aussi un hommage à Coltrane, Pat s'est inspiré
des compositions du saxophoniste puis a utilisé les lettres
de son nom pour y associer les modes et des gammes (le parfait
exercice pour tout vrai musicien).
Pat Martino mériterait d'avoir une reconnaissance aussi
importante que tous les grands guitaristes qu'il a souvent inspiré
: Pat Metheny, Bill Frisell, Mike Stern, Robben Ford
Tout
comme ses précédents disques (mêmes ceux des
années 60), Think tank est du grand art qui dépasse
largement le cercle des " accros " de la six cordes.
A déguster au plus vite.
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