La drôle d'histoire des Louise leur a permis de faire un
nouvel album rempli de bonnes choses et de petites histoires à
raconter avec toujours autant de brio. En effet, les divergences
de vues artistiques et personnelles qui ont fait de ce groupe
un quatuor off se cherchant pendant six ans dans divers projets
(Tarmac, Ali Dragon) les ont rendus sûrement plus forts.
C'est à travers un voyage pour une tournée en Russie,
en Inde et en Amérique du sud (de mars à mai 2005)
que l'envie d'enregistrer ensemble s'est de nouveau manifestée.
De bribes d'idées, en morceaux hachés, c'est un
long périple qui s'achève avec ce A plus tard crocodile.
De là tout s'est mis en place pour le retour au premier
plan de ces garçons qui soufflent sur le vent.
Les aficionados seront peut être surpris de trouver de
longues plages de programmations, des recherches musicales que
l'on n'avait pas l'habitude d'entendre chez eux comme sur La nuit
ou bien La valse. Un fourre-tout agencé de manière
parfaite qui s'apprécie sur la longueur.
Faisant table rase de leurs premiers amours et d'une collaboration
avec Gordon Gano, c'est vers New-York et le mythique studio Electric
Lady en compagnie du producteur Mark Plati qu'ils mettent sur
disque leur réveil céleste. La voix de Gaétan
Roussel roule toujours comme un caillou plaintif ballotté
par une mer déchaînée mais prend le risque
aussi d'une maturité arabisante sur Salomé. Le violon
porté sur les cimes par Arnaud Samuel est inlassablement
présent et le reste du groupe c'est à dire Robin
et Alex font du bon boulot partout où les titres les envoient,
avec un pic de fraîcheur qui s'intitule Nos sourires et
une vallée luxuriante : Depuis toujours. Des paysages sonores
divers et variés qui présagent des prestations live
de grande qualité.
Restant toujours comme ils le disent, malgré les virées
alter mondialistes, un groupe de France, la magie et les sorts
n'y feront rien : c'est vers la fièvre psychotique du premier
album joué fort et bien que retourne le groupe. Louise
Attaque a franchi le cap de la maturité, elle n'est plus
cette adolescente insouciante mais une femme parfaite qui fait
saliver la musique les soirs de déprime.
Six ans qu'on l'attendait, cet album. Six longues années
à se satisfaire ou presque des fantaisies electro-fourre-tout
d'Ali Dragon et des flâneries baladines de Tarmac. Six ans
à réécouter les galettes primitives, devenues
légendaires. Ces deux premiers albums, aussi différents
l'un de l'autre qu'égaux dans leur génie, on les
a écoutés jusqu'à la corde, sans jamais les
user.
Puis la nouvelle de leur retour, il y a six mois, a fait vibrer
des milliers de ventricules. A peine autant de mois à attendre
que d'années déjà passées, c'était
encore trop. La rumeur faisait son uvre. Concerts enthousiasmants,
presse dithyrambique.
5 septembre 2005. A plus tard crocodile débarque à
l'abordage de milliers de pavillons auditifs, pour les mettre
en déroute.
Dix-huit plages s'enchaînent, en une volupté évanescente,
une odyssée où l'on s'oriente à l'oreille,
qui ne s'y retrouve plus. Oubliés les tubes imparables,
les morceaux formatés au mieux, les bornes bien senties.
Finies, les envolées lyriques d'un violon virevoltant.
Ici, il se fait discret mais omniprésent. Il susurre au
lieu de claironner, habillant de manière suave la voix
d'un chanteur qui épouse cette même discrétion.L'expressionnisme
vocal n'est plus le mot d'ordre.
En somme, tout a évolué. Louise Attaque a digéré
ce dont Tarmac l'a nourri, tranquillité et poésie
en tête. Adieu la fougue musicale, pleine d'amour et de
mal-être, de leurs débuts musicaux ; on vous présente
un disque d'orfèvre, où tout s'imbrique avec précision.
Un disque brillant, poli, irréprochable. C'est-à-dire
lisse, duquel ne se dégage aucun morceau de bravoure.
Et nous voilà sereins, sûrs qu'il ne pourra plus
rien advenir à un groupe qui maîtrise tant son art.
Rien, et surtout pas, à notre grand désarroi, un
regain d'adolescence. La maturité n'est-elle pas un gros
mot, dans le rock ?
Demeure en tout cas ce sentiment inavouable, ambigu, d'une déception
que l'on se reproche de ressentir, parce qu'elle gâche le
plaisir des retrouvailles avec un opus qui ne mérite pas
d'être mal-aimé
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