Daniel Darc
: " Avec Frédéric on a réalisé
toutes les chansons dans son appartement sur un petit ordinateur
de merde en se disant 'Ok on fait tout à deux'. On voulait
aller à l'essentiel sans se perdre dans des conneries. Dehors
les virtuoses ! La production avec des trucs partout, les gens que
j'aime s'en foutent. Une chanson si elle est bonne doit vivre avec
une guitare et la voix.
Jamais,
Jamais, l'une des chansons de ton album, est d'une beauté
langoureuse qui plombe l'amour crétin que chante tous ces
farfadets de la variété française ?
Je ne sais pas qui je fume vraiment
enfin j'ai une vague idée
(rire) mais c'est vraiment ma seule façon de faire les choses.
Je ne peux écrire qu'au premier degré. Je ne peux
pas faire de l'humour ou raconter la vie d'un mec qui trouve sa
maison bien rangée parce qu'il y a une femme qui habite chez
lui. (rire) T'as vu j'ai cité personne hein ?
 |
Tes
souffrances personnelles sont d'ailleurs en relation avec certains
titres. Peux tu nous expliquer dans quelles circonstances fut
enregistré Psaume 23 ?
J'ai enregistré cette chanson alors que le lendemain
je rentrais à l'hôpital pour décrocher de
l'alcool. Après avoir vomi 40 litres de sang c'était
peut être intéressant d'arrêter les dégâts.
C'est pour ça, notamment, que ma voix est malhabile et
mal enregistrée. Je me balançais d'un côté
à l'autre en tapant du pied en même temps. D'ailleurs
si tu mets le volume assez fort tu peux l'entendre. Les gens
qui me connaissent croyaient vraiment que j'allais crever. Alors
je ne sais pas ce qui s'est passé
ou alors je savais
trop bien car ce psaume est souvent lu aux enterrements. |
" En enterrement
" j'ai beaucoup d'expérience. Entre mes amis qui sont
morts du sida, ceux qui se sont flingués d'une balle dans
la tête, d'une pendaison et d'une overdose j'ai entendu ces
paroles trop de fois.
Tu
as parcouru l'enfer de long en large et soudain on ressent chez
toi, comme une envie d'aller voir ce qui se trame au paradis ?
Quand je mourrai j'irai au paradis car j'aurais vécu toute
ma vie un enfer.
Ta
voix ne correspond pas à quelqu'un qui a 45 ans. Elle n'est
pas celle d'un mec qui a remisé (après avoir éclusé),
une tonne de bouteilles à la cave ?
En premier je crois que cela vient du fait que je n'ai jamais fumé
de ma vie. Et puis cela vient de l'émotion aussi de chanter
mes textes. Je suis ému quand je chante car je ne triche
pas. Je reste adolescent dans ces moments là et le rock est
une musique d'ado.
Rock
comme la phrase de Johnny Cash " I killed this man in Reno
just to watch him die " ?
Il y en a qui franchissent le pas, d'autres qui ne le font jamais.
Pour moi c'est une phrase " Dostoyevskienne ".
Ton
malheur provoque une inspiration qui doit jaillir contrairement
au bonheur qui reste pudique ?
Je ne connais pas le bonheur. Jean Rochefort disait 'Le bonheur
je m'assois dessus' et bien moi je m'assois à côté
car j'ai peur de me faire mal. Je ne sais pas ce que c'est le bonheur
, je ne veux pas savoir ce que c'est le bonheur ! Il y a des moments,
brefs et rares, où je suis content, où j'approche
d'une fulgurance qui peut se rapprocher de ça. Je ne suis
pas un mec heureux, je ne vis que pour être malheureux. Je
ne peux écrire que lorsque je suis dans la tourmente. Ca
tombe bien car je le suis presque perpétuellement.
Certaines
de tes chansons sont pourtant plus enjouées comme : Mes amis,
avec ce petit riff de guitare qui semble nostalgique de quelque
chose ?
Suite
|